lundi 8 décembre 2014

Crosscanal Vs pure players : en Drive aussi…

L'annonce de la fermeture de 14 drives par Chronodrive, sur fonds de pertes estimées à 50 M€ en 2014 (voir article Linéaires ici), est un avatar singulier du combat entre crosscanal (drives adossés à un hyper, de type E.Leclerc Drive ou Auchan Drive) et pure players.
Chronodrive a été l'inventeur du drive moderne. Ses deux fondateurs (Ludovic Duprez et Martin Toulemonde) ont créé une entreprise formidable par son modèle commercial comme managérial. Ils sont à l'origine du bouleversement le plus profond dans la distribution alimentaire française depuis l'apparition du hard-discount, voire de l'hypermarché.

Chronodrive
Pourquoi le drive connaît-il un tel succès en France, et peu à l'étranger ? Parce que les hypers français sont des formats d'attraction, légitimement obsédés par l'attractivité de leur site – alors que dans la plupart des pays, ce sont les formats de "grande proximité" qui dominent. Et surtout parce que les adhérents E.Leclerc en ont fait une arme de guerre, guidés par leur esprit de conquête plutôt que par des calculs savants sur la création de valeur. Et dès lors que E.Leclerc ouvrait des centaines de drives, aucun concurrent ne pouvait s'offrir le luxe de ne pas répliquer.
Pourtant 10 ans plus tard, Chronodrive a été largement dépassé par les enseignes d'hyper, et pour une fois c'est le pure player qui souffre des prix "trop bas" pratiqués par les distributeurs mortar. Le drive accolé à la française est structurellement peu rentable, puisqu'il pratique les prix de l'hyper malgré des coûts plus élevés. Les hypers subventionnent leurs drives pour renforcer leurs sites et leur part de marché locale ; les pure players ne peuvent pratiquer de telles péréquations. 
Certains s'en émeuvent, voire condamnent le drive, ce format "destructeur de valeur"… Mais en quoi est-il différent des sites marchands classiques ? In fine, le crosscanal détruit de la valeur puisqu'il ajoute les coûts d'un canal supplémentaire, sans développer le marché. La seule façon pour une enseigne de sortir gagnante de ce combat, c'est d'avoir une part de marché online supérieure à sa part de marché offline.

Et la seule solution de pérennité pour les pure players, c'est soit un business model radicalement différent de celui des magasins (Amazon, eBay, Venteprivée…), soit l'adossement à un acteur crosscanal. Le drive n'échappe pas à cette logique implacable.

mercredi 3 décembre 2014

Réflexion sur les facteurs de fréquentation des lieux de commerce

Le métier des centres commerciaux est en effervescence. L'érosion constante du trafic et la poursuite de la création de m2 oblige à dépasser les réflexions anciennes. Comment aller au-delà de l’amélioration du confort pour proposer des expériences vraiment stimulantes et pas exclusivement marchandes ?


Découvrez la conférence de Côté Clients tenue avec Unibail Rodamco au dernier Mapic sur ce sujet.

Il s’agit d’un retour d’expérience conjoint basé sur l’interrogation de plus de 100 000 consommateurs dans 130 centres commerciaux en Europe.

lundi 24 novembre 2014

Le syndrome du sac à 4 centimes

Des milliers de microdécisions qui ont un impact client sont prises chaque jour par les équipes front et back office. Ce sont des actes souvent anodins, parfois plus graves qui ont pour caractéristiques de ne pas être prévus par les process de l’entreprise.


Le syndrome du sac à 4 centimes


Face à des situations «non standard » dans le relationnel client, il faut bien malgré tout que l’interaction se poursuive. La qualité de la prestation délivrée à ce moment là dépendra essentiellement de la personnalité du collaborateur et/ou de ce qu’il pense être cohérent avec ce qu’il sait de son entreprise.
Pour illustrer le propos voici le récit d’une histoire vraie (elle m’a été racontée par la responsable de la relation client d’un grand groupe de supermarchés):
Lors de son passage en caisse, un client ne prend pas le soin de demander un sac à 4 centimes pensant qu’il n’en aurait pas besoin.
En sortant du magasin avec ses achats sur les bras il se rend compte qu’il aurait dû en prendre un. Il retourne voir l’hôtesse de caisse lui demandant s’il peut avoir un sac.
- « Bien sûr monsieur, c’est 4 centimes »
Le client fouille ses poches et faute de monnaie lui tend sa CB
- « Désolé monsieur, on ne prend pas la carte à moins d’1 euro »
N’ayant pas d‘autres solutions à proposer, l’hôtesse laisse partir le client mécontent...

Pourquoi cette hôtesse de caisse n’a pas eu la présence à l’esprit de répondre avec le sourire?
- « Monsieur, ces sacs sont payant mais exceptionnellement je peux vous l’offrir … surtout la prochaine fois, pensez-y avant de régler vos courses ;-) »

Elle ne l’a pas fait pour 2 raisons possibles :
Scénario 1 : son patron n’accepterait pas un écart de caisse. D’ailleurs il est tellement préoccupé par la rentabilité qu’elle n’ose même pas faire le moindre geste commercial, aussi faible soit-il.
Scénario 2 : son patron serait tout à fait d’accord, d’ailleurs elle l’a vu faire ce geste quelques jours auparavant avec un client. Mai elle est certaine que les clients sont de mauvaise foie et qu’ils cherchent à ne pas avoir à payer les sacs. Elle ne les supporte pas et à hâte de prendre sa pause, elle ne va pas s’embêter comme lui !
Dans le 1er cas on fait face à un déficit de CULTURE CLIENT DE L’ENTREPRISE, dans le 2nd cas, un problème d’ORIENTATION CLIENT de l’hôtesse de caisse.
Une de nos études COS récente montre un gap de performance commerciale considérable au sein d’une même enseigne entre des équipes magasins avec un bon niveau de Culture client et les magasins avec des équipes faiblement orientées client (billet à venir).

Comment améliorer la culture client de son entreprise ? Voir ce billet publié récemment.
Comment mesurer le niveau de culture client et d’orientation client des collaborateurs ? Voir le site du COS (Customer Orientation Score).


vendredi 7 novembre 2014

La Culture client, la face cachée des comportements orientés clients

Tous les dirigeants sont convaincus de l'importance de renforcer l'orientation clients de leur entreprise. Et tous savent à quel point, au-delà des normes et process, il est difficile de faire effectivement changer les comportements malgré les millions d’euros investis en formation et les batteries de consultants chargés de processer la relation client.

Pourquoi les process et les formations ne sont-ils pas suffisants pour faire évoluer significativement les comportements ? Comment expliquer cette inertie – et surtout, comment la combattre ?

Comme souvent l'explication est simple : ces approches se focalisent sur les comportements mesurables et les discours – sans adresser les véritables facteurs structurants qui expliquent ces comportements. Or les comportements sont déterminés d’abord par des fondements culturels.

La Culture client d’une entreprise et de ses collaborateurs est l’élément clé à comprendre, pour identifier les leviers qui permettront d'agir effectivement sur les comportements.

Elle recouvre deux dimensions très différentes :
- la culture clients de l'entreprise (culture collective, incarnée par les organisations, méthodes, pratiques managériales, etc.)
- la culture clients personnelle des collaborateurs, sur laquelle il est évidemment plus difficile d'agir – même si des leviers existent



1 ) Comment agir sur la culture client de l’entreprise ?

Il existe 3 grands leviers également indispensables :

1. Une impulsion stratégique crédible : le management doit non seulement porter le discours mais être exemplaire en termes de comportement. Par exemple, qu’en est-il des KPI et des objectifs fixés aux collaborateurs ? Sont-ils plus orientés CA et marge ou satisfaction et fidélité client ? Les membres du CODIR s’intéressent-ils vraiment aux clients lorsqu’ils prennent des décisions stratégiques? Quel niveau d’exemplarité du management en matière de préoccupation client ? Au-delà des incantations, il s'agit d'un préalable absolu pour crédibiliser l'orientation clients.
2. Une véritable connexion aux clients : qu’est ce qui est mis en œuvre pour capter un maximum l‘information client, l’analyser et la diffuser ? Dans quelle mesure l’entreprise est programmée pour faire évoluer son offre ou ses services en fonction de ce qu’elle sait des clients ? Comment l’entreprise tire profit de ce qu’elle a appris des réclamations clients ? Les collaborateurs parlent-ils des clients de façon informelle ? Existe t-il des réunions inter service pour échanger sur les clients ?
3. La responsabilisation des équipes : les équipes ont-elles de l’autonomie en matière de relation client ? Se sentent-elles engagées à répondre le plus efficacement possible aux besoins clients ? Y a t-il un soin particulier appliqué au relationnel et à la vente ? L'entreprise doit considérer l'orientation clients comme la responsabilité de chacun et le faire sentir, et non comme la résultante d'un processus technocratique de standardisation des pratiques.

2 ) La Culture Client individuelle concerne la prédisposition naturelle de chacun à prendre en compte le client dans ses décisions.

Elle est ne se décrète pas, c’est une sensibilité qui habite plus ou moins chacun d’entre nous. Une personne peu orientée client pourra avoir des comportements exemplaires mais devra faire des EFFORTS. Un individu très orienté client se préoccupera « naturellement » des clients.

Cette prédisposition naturelle doit bien entendu faire partie des critères de recrutement explicites, être encouragée et valorisée à tous les niveaux et dans toutes les fonctions.

Quant aux équipes préexistantes, en fonction de leurs prédispositions naturelles, elles auront besoin d'un niveau d’encadrement, de management et de sensibilisation variable.

Pourquoi ne pas différencier le type de management selon les équipes ? Par exemple laisser plus d’autonomie aux équipes plus naturellement orientées client ? Mieux allouer les ressources en managers ? Mixer les profils au sein d‘une équipe pour que les meilleurs donnent l’exemple, etc…

Pour agir :

Au final, le développement de la culture client est extrêmement profitable pour les entreprises*

  • Elle nécessite peu d’investissement
  • Elle se travaille avec du bon sens et un peu de courage managérial
  • Elle engendre des comportements orientés clients
  • Elle touche toute l’entreprise
  • Elle est durable et stable dans le temps


Côté Clients propose une méthode novatrice, fondée sur des recherches académiques faisant référence, afin de mesurer et qualifier la culture clients des entreprises.

L'analyse permet d'identifier les forces et faiblesses de la culture client des entreprises et de leurs collaborateurs (aux différentes niveaux hiérarchiques, dans les différentes fonctions…). Elle permet surtout d'identifier des leviers d'action simples et opérationnels pour faire concrètement bouger la culture clients – et redonner ainsi toute leur efficacité aux formations et aux process !

*Pour plus de détail sur les apports de la recherche académique et les fondements scientifiques du Customer Orientation Score (Daniel Ray, etc.) : www.customer-orientation-score.com.



mercredi 5 novembre 2014

Comment réinventer les concepts magasins ? L'exemple de Darty

À l'occasion de l'anniversaire de l'ouverture du nouveau concept Darty à Beaugrenelle, LSA publie un joli papier sur le magasin de demain.

Ce que nos équipes ont voulu faire avec les équipes de Darty ne cherche pas à être spectaculaire : les dimensions identitaires, le "geste créatif" n'étaient pas d'actualité. Et l'enseigne, opérant dans un secteur pour le moins sous pression, voulait déployer très rapidement son concept sans investir lourdement. Pour autant, le nouveau Darty est radicalement différent de l'ancien, avec une expérience clients incomparable : bascule en LS de nombreuses familles, développement d'un visual merchandising stimulant et facilitant, visibilité accrue des services, développement d'un atelier de démonstration et de services techniques, commercialité nettement accrue (yc au travers d'une visibilité contrôlée des marques), mise en place de lockers pour le click&collect (un franc succès à Beaugrenelle !), déploiement de tablettes vendeurs… Au final, c'est un véritable déplacement du centre de gravité de l'enseigne qui en résulte.

Darty Beaugrenelle

Régis Schultz (PDG de Darty) l'explique très bien dans le livre que je viens de publier chez Pearson (Distribution : inventer le commerce de demain) :
"Q : Quand tu as pris la direction de Darty début 2013, tu as choisi de ne pas lancer de nouveau concept ; pourquoi ? Peut-on vraiment rénover une enseigne sans nouveau concept magasin ? 
R - Bien sûr qu’il faut faire évoluer le concept magasin : d’ailleurs, les derniers magasins que nous avons ouverts sont très différents de ce que faisait Darty à mon arrivée. Mais je n’aime pas le principe du « stop and go », avec grand concours d’architectes, nombreuses agences, big-bang... je préfère avancer par petites ouches. Sur dix-huit mois, on a tout changé, mais de manière progressive, pragmatique. C’est moins risqué, plus facile à déployer et à rétro-implanter, les équipes s’approprient mieux les changements... Et puis les nouveaux concepts, cela veut souvent dire des changements de sols, de plans, ça coûte cher et c’est difficile à déployer. Du coup, c’est vrai qu’on a un résultat moins homogène qu’avec un cconcept nouveau totalement déployé, mais en pratique, plus personne n’a les moyens de déployer rapidement des nouveaux concepts, c’est trop cher et il n’y a pas de payback."
Extrait du chapitre 6 – "Le magasin de demain sera identitaire, réhumanisé et marchand"

Un nouveau concept a habituellement une durée de vie de 5 à 7 ans. Aucune enseigne ne peut se payer le luxe de rénover tout son parc en si peu de temps ! Et les évolutions stratégiques sont devenues si rapides et constantes (digitalisation, réhumanisation…) qu'il faut évoluer au fil de l'eau, sans attendre le "nouveau concept".

Cette nécessité de faire évoluer constamment les modèles commerciaux et de déployer plus vite ces changements sans faire exploser les Capex, sera le défi commun de la plupart des enseignes grand public dans les années à venir. Cela ne signifie pas qu'il faut renoncer à être créatif et impactant sur le plan identitaire, surtout pas ! En parallèle, les enseignes doivent devenir des marques et renforcer leur contenu émotionnel. Le design est sera l'un des leviers privilégié. Mais cela impose de travailler différemment les concepts. 

Le monde de demain sera un monde de "et / et"… Nous autres prestataires devons donc devenir des spécialistes de la quadrature du cercle. C'est pour cela que nous avons créé UX in situ, agence d'un nouveau genre qui combine des compétences plus larges (design, mais aussi stratégie, commercialité, merchandising…) !

In Situ Retail Design